Iazmaciune
Notre sagesse est douce comme le miel, goûte et comprends.
TRANSMISSION - activation du signal de Transylvanie - RÉCEPTION - activation de la syntaxe des strigides - LES CHOUETTES NE SONT PAS CE QU'ELLES SEMBLENT ÊTRE - activation de la fréquence mnémonique géologique - TÉMOIGNAGE - Iazmaciune.
Parle, enfant du miel. Lis ce mot et prononce-le à voix haute. Dis le mot que les enfants les plus courageux de Harbaburesti n'osent pas avoir à la bouche, même par une belle journée d'été.
"Iazmaciune".
Un frisson nous parcourt. Dis-le encore.
"Iazmaciune".
Parfois, nous regrettons de ne pouvoirs ressentir la chair de poule. Ah, les mille et un plaisir de la chair. Redis-le encore une fois et cela suffira.
"Iazmaciune".
Nous volons jusqu'à une petite vallée forestière du compté de Bacas, à l'ouest de l'église et du cimetière, et nous nous posons au plus haut des ruines d'un ancien village. Tout y est dévasté, inhabité depuis assez longtemps pour que les pierres s'érodent. Malgré le voile de l'oublie, nous pouvons encore distinguer le spectre de sa gloire passée. Dans la nuit, les ombres et la lune jouent à se pourchasser. Lumières étranges. Bruits menaçants. Les ignis fatuus enchantent les yeux gélatineux des êtres de chair, et le village se pare de sa beauté passée, debout et habité. Ne te fie pas à l'illusion.
Les gens de Harbaburesti évitent cet endroit. Ils l'appellent Iazmaciune, "le lieu maléfique", quand encore il osent l'appeler. Les noms ont un pouvoir, enfant du miel. Les noms sont l'usage le plus dense du vent. Nommer une chose, c'est en attendre une réponse. Les parents demandent à leurs enfants de ne pas approcher des ruines, et ceux-ci obéissent, mais ce n'est pas la peur d'être punis qui les pousse à le faire.
Même les noms interdits sont attachés à des histoires. Des histoires de mauvais esprits et d'ombres tourmentées qui hantent les rues en quête de vengeance ou de rédemption. Des récits de dualité brutale, de batailles entre le bien et le mal qui se reproduisent chaque soir après le coucher du soleil, en un cycle sans fin. Et chacun sait que quiconque posera le pied dans le village maudit prendra part à cette bataille, sans même en décider.
Des adultes blêmissent et jurent que lorsqu'ils s'aventurent dans les marais proches du village, ils voient, se reflétant dans l'eau, l'image d'hommes pendus aux arbres. Et pourtant, quand ils relèvent le nez, ils ne trouvent que des branches nues et des corbeaux et des freux, dont les croassements ne les aident pas.
Mais les oiseaux charognards nous soufflent leurs secrets, enfant du miel. Cela fait partie du pacte que nous avons conclu, il y a bien longtemps, quand nous leur avons accordé le privilège de manger les morts. Mais c'est une tout autre histoire.
Certains disent que le village est un terrain neutre pour les monstres, un endroit où les vampires, les loups-garous et des créatures encore pires se réunissent pour se partager les territoires et leurs proies douces et tièdes.
D'autres, qui n'aiment pas les Tziganes, les montrent du doigt en accusant les "maudits gitans et leurs mauvais sorts" d'être la cause du mal qui règne sur le vieux village. Les gens du voyage n'ont pas grand-chose à dire sur les ruines, mais leurs visages adoptent les traits de la colère et de la peur quand on commence à parler de l'histoire du village fantôme.
Et donc tous, les Roumains comme les Tziganes, évitent de s'en approcher. Personne dans Harbaburesti ne se souvient très bien du village en ruines, même pas de son premier nom. Pourtant les secrets affleurent, et l'énigmatique Cucuvea partage à contrecœur ce que les corbeaux et les freux gardent pour eux.
Activation des histoires secrètes.
À un moment, les chevaliers du Temple se sont intéressés à cette région, quand ils la traversaient pour se rendre aux croisades. Mais c'est sous le règne de Vlad III que le village connut son apogée. Le Fils du Dragon veillait sur le village avec bienveillance, sauf quand il punissait des hors-la-loi pour l'exemple, ce qui contribua plus tard à bâtir la légende de "Vlad l'Empaleur". Les Ottomans vinrent, suivis de forces plus obscures, mais tous furent repoussés et les villageois eurent alors une vie agréable sous l'autorité de Vlad, mais cela n'allait pas durer.
Quand Vlad Dracula dut fuir en 1492, les villageois et les Tziganes furent les premières victimes de la nouvelle reine vampire. Les rues furent rouge de sang, mais ne le restèrent pas longtemps. Nous avons vu les morts-vivants en lécher jusqu'à la dernière pierre.
Vlad finit par revenir, accompagné d'Octave, de Cucuvea et des Tziganes, rassemblant leur alliées pour un ultime assaut contre les vampires. Au prix de la vie de Vlad, ils détruisirent ces monstres, et la reine vampire elle-même dut fuir la vallée avec Tziganes lancés à ses trousses.
Après la bataille, Cucuvea lança une malédiction sur le village, liant à son sol le mal qui l'habitait, pour qu'il ne puisse jamais s'en échapper. Et il est encore là, véritable concentré d'intentions maléfiques bu par la terre. Si tu appelles Iazmaciune par son nom, enfant du miel, il pourrait bien te répondre.
mis à jour le 13 August 2013